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Par sa mission, Au-Delà cherche sans cesse de belles plumes au service de sa cause principale : la chrétienté et tous les chemins qui y mènent. Les articles qui paraitront ci-dessous ont été soigneusement sélectionnés chez des blogs ou journaux amis, si non rédigés à l'interne chez Au-Delà. Tous les articles extérieurs à Au-Delà publiés ici sont visibles gratuitement sur le blog ou journal original. Les références sont évidemment indiquées et nous invitons vivement nos lecteurs à consulter ces liens qui regorgent bien souvent de trésors.
Le sexe des mots
Source : Fin du siècle des ombres (1999, Fayard)
Auteur : Jean-François Revel
Date : 1998
Byzance tomba aux mains des Turcs tout en discutant du sexe des anges.
Le français achèvera de se décomposer dans l’illettrisme pendant que nous discuterons du sexe des mots.
La querelle actuelle découle de ce fait très simple qu’il n’existe pas en français de genre neutre comme en possèdent le grec, le latin et l’allemand. D’où ce résultat que, chez nous, quantité de noms, de fonctions, métiers et titres, sémantiquement neutres, sont grammaticalement féminins ou masculins. Leur genre n’a rien à voir avec le sexe de la personne qu’ils concernent, laquelle peut être un homme.
Homme, d’ailleurs, s’emploie tantôt en valeur neutre, quand il signifie l’espèce humaine, tantôt en valeur masculine quand il désigne le mâle. Confondre les deux relève d’une incompétence qui condamne à l’embrouillamini sur la féminisation du vocabulaire. Un humain de sexe masculin peut fort bien être une recrue, une vedette, une canaille, une fripouille ou une andouille.
De sexe féminin, il lui arrive d’être un mannequin, un tyran ou un génie. Le respect de la personne humaine est-il réservé aux femmes, et celui des droits de l’homme aux hommes ??
Absurde !
Ces féminins et masculins sont purement grammaticaux, nullement sexuels.
Certains mots sont précédés d’articles féminins ou masculins sans que ces genres impliquent que les qualités, charges ou talents correspondants appartiennent à un sexe plutôt qu’à l’autre. On dit : « Madame de Sévigné est un grand écrivain » et « Rémy de Goumont est une plume brillante ». On dit le garde des Sceaux, même quand c’est une femme, et la sentinelle, qui est presque toujours un homme.
Tous ces termes sont, je le répète, sémantiquement neutres. Accoler à un substantif un article d’un genre opposé au sien ne le fait pas changer de sexe. Ce n’est qu’une banale faute d’accord.
Certains substantifs se féminisent tout naturellement: une pianiste, avocate, chanteuse, directrice, actrice, papesse, doctoresse. Mais une dame ministresse, proviseuse, médecine, gardienne des Sceaux, officière ou commandeuse de la Légion d’Honneur contrevient soit à la clarté, soit à l’esthétique, sans que remarquer cet inconvénient puisse être imputé à l’antiféminisme. Un ambassadeur est un ambassadeur, même quand c’est une femme. Il est aussi une excellence, même quand c’est un homme. L’usage est le maître suprême.
Une langue bouge de par le mariage de la logique et du tâtonnement, qu’accompagne en sourdine une mélodie originale. Le tout est fruit de la lenteur des siècles, non de l’opportunisme des politiques. L’État n’a aucune légitimité pour décider du vocabulaire et de la grammaire. Il tombe en outre dans l’abus de pouvoir quand il utilise l’école publique pour imposer ses oukases langagiers à toute une jeunesse.
J’ai entendu objecter: « Vaugelas, au XVIIe siècle, n’a-t-il pas édicté des normes dans ses remarques sur la langue française ?? ». Certes. Mais Vaugelas n’était pas ministre. Ce n’était qu’un auteur, dont chacun était libre de suivre ou non les avis. Il n’avait pas les moyens d’imposer ses lubies aux enfants. Il n’était pas Richelieu, lequel n’a jamais tranché personnellement de questions de langues.
Si notre gouvernement veut servir le français, il ferait mieux de veiller d’abord à ce qu’on l’enseigne en classe, ensuite à ce que l’audiovisuel public, placé sous sa coupe, n’accumule pas à longueur de soirées les faux sens, solécismes, impropriétés, barbarismes et cuirs qui, pénétrant dans le crâne des gosses, achèvent de rendre impossible la tâche des enseignants. La société française a progressé vers l’égalité des sexes dans tous les métiers, sauf le métier politique. Les coupables de cette honte croient s’amnistier (ils en ont l’habitude) en torturant la grammaire.
Ils ont trouvé le sésame démagogique de cette opération magique: faire avancer le féminin faute d’avoir fait avancer les femmes.
Naître aussi du père
Source : Le Secret de Marie
Auteur : Bertrand CC
Date : 12 février 2020
Nous naissons d’une mère. Il nous faut naître aussi du père. Le père (ou une figure masculine) est celui qui nomme et confirme l’enfant mâle ou femelle, dans son identité sexuée masculine ou féminine. De cette naissance symbolique, naissance de transmission, l’enfant reçoit et accepte sa dignité de personne humaine. Ce processus de vie permet à l’enfant de se reconnaître fils et fille du Père. Fils et fille du grand Roi.
Mais voilà, une rupture de transmission a eu lieu après la révolution française. Y voir une forme de réaction inconsciente à la condamnation à mort du père de la France par ses propres enfants ? Je ne sais. Toujours est-il que le XIX° a connu une poussée de moralisme castrateur de toute l'énergie masculine chrétienne.
« Vouloir à toute force refouler chez un jeune garçon la fierté ou l’ambition, c’est peut-être étouffer un apôtre, c’est au moins et bien souvent mutiler un homme » E. Mounier
Mes amis connaissent mon attachement à Emmanuel Mounier, fondateur du personnalisme. De 1933 à 1950, il voyait déjà s’amplifier la crise du masculin, issue du moralisme janséniste. Celui-ci, castrateur et promoteur d’une éducation de soumission teintée de "moraline", a atteint son objectif de rendre les gamins obéissants, soumis, incapables d’assumer un désaccord. Ils ne connaissent pas autre chose que la soumission et le renoncement. Ces enfants devenus adultes se trouvent incapables de s’assumer et d’entrer dans la grande mêlée du monde, laissant faire les forces opposées en se cachant derrière le petit doigt de Mathieu 6, 29... Jésus ne s’est-il pas opposé ? N’a-t-il pas frappé ? N’a-t-il pas combattu ? Matthieu 6 est un appel à aimer son ennemi, pas à se soumettre à lui, ni le laisser faire n’importe quoi. Quand Jésus invective et maudit les pharisiens, il les aime infiniment. Ne faisons pas dire au Verbe de Dieu ce qu’il ne dit pas.
« Des deux aspects de la force, endurer et attaquer, l’éducation chrétienne moderne ne développe guère que le premier : pour peu que l’on veuille y céder, tant de paresse lui tendent la main. » E. Mounier
Les jeunes garçons conditionnés à la soumission, devenus adultes, ne transmettront plus l’esprit de liberté et d’action, de force ou de courage. N’osant plus assumer ce qu'ils sont et mal assurés, ils ne transmettent plus rien. Laissant fils et filles orphelins de leur identité, condamnés à la chercher leur vie durant, dans une inquiétude auto-centrique.
« Ces hommes, qui n’ont pas été confirmés dans leur masculinité, sont piégés par leur incapacité de s’accepter eux-mêmes » Leanne Payne
L'homme garde une mauvaise image de lui-même, une difficulté à s’accepter et une absence de confiance en soi. Il est donc très difficile au fils devenu père à son tour de transmettre ce qu’il n’a pas reçu, ayant lui-même déjà perdu une bonne dose de masculin. Il préfère souvent renoncer à s’affirmer dans sa famille, devant fils et filles et laisse sa femme occuper la place, la charge mentale sur les épaules. Il y a donc urgence à ce que les hommes soient confirmés dans leur masculinité ; les femmes seront réparées automatiquement par ces hommes nés de nouveau.
L’homme, comme Adam au pied du pommier, regarde Eve papoter avec le serpent sans rien faire. Adam est un brave type. Il est lâche. C’est un gentil garçon sans force ni courage. Et pourtant Dieu lui demande d’être un combattant, un aventurier et un conquérant. L'Adam que nous sommes se terre et finalement s’ennuie dans sa vie de confort qu’il a lui-même construit pour s’y enfermer. Dieu le cherche : "Où es-tu ?"
Pourtant, l’homme rêve d’aventures, de combats, de quêtes et de conquérir la beauté. Son cœur est vivant dans l’action, la vie de surcroit et le don de lui-même ; il est fasciné et attiré par la beauté ! Il est principe et initiative de don ! Tout ceci l’habite et sommeille en lui. Chaque homme le pressent intérieurement sans avoir la clé : seule la confirmation de son identité par son père ou une figure masculine, lui permet de se décapsuler et de donner le meilleur de lui-même.
La bonne nouvelle est que tout est là pour être réactivé en chaque homme, il suffit que celui-ci accepte son incomplétude et sa souffrance. La vie se charge souvent de nous réveiller : il n’est jamais trop tard pour déboucher ses oreilles, entendre son appel personnel et débuter sa mission de vie.
La mission d’ACDH (Au Cœur des Hommes), dont je suis le délégué général, est d’offrir ce cadre masculin aux hommes afin de leur permettre de se réconcilier avec eux-mêmes et découvrir la beauté de leur force masculine, non pour qu’ils deviennent des brutes, mais pour qu’ils occupent leur place et endossent leur mission divine. Les hommes ainsi établis sur le socle de leur virilité (vir = vertu) peuvent vivre ce chemin de crête entre la force et la douceur, unifiant le vertical et l’horizontal de manière naturelle et apaisée. Leur cœur est ainsi ordonné à leur condition sexuée unique.
L’amplitude de la vie provient de notre courage d’habiter la totalité de notre personne.
Car si nous n’occupons pas le terrain, notre terrain, nous choisirons la promenade en barque sur un lac tranquille alors que nous sommes attendus au départ du Vendée Globe.
La perspective de nos vies, c'est la vie éternelle ! Brûlons d’envie et d’inquiétude de ne pas passer à côté et jetons-nous corps et âme dans cette grande bataille, quoi qu'il nous en coûte. Je ne sais de quoi mon avenir sera fait, mais je veux qu’il appartienne à Dieu. Je Lui offre simplement et imparfaitement mon « oui », dans une douloureuse et joyeuse acceptation de dépendre de Lui. Ma certitude ? Qu’il fera germer mieux que moi les dons qu’il a lui-même posé en moi, alors je m’efforce de Lui redonner ma pauvre carcasse pour qu’il l’utilise à sa guise. Après tout ce n’est pas pour rien qu’il m’a créé, et certainement pas pour végéter ou regarder Netflix. Lui connaît la raison qui l’a poussé à me créer dans un grand acte d’amour. A Lui de se débrouiller avec moi. Mon rôle, c’est de me redonner à Lui en Lui offrant ce "oui" radical.
Ce qui m'anime, c’est de permettre aux hommes de se lever pour devenir qui ils sont, aimer comme le Christ a aimé, confirmer leurs garçons dans leur force, leurs filles dans leur beauté. Je ne veux pas passer par toutes ces techniques relationnelles plus ou moins artificielles pour régler les problèmes des couples ou les relations interpersonnelles professionnelles. Je veux traiter le problème à la racine. Et cela, j'en suis absolument convaincu, passe par une nouvelle naissance paternelle.
Comme une sorte de maïeuticien, ACDH va permettre à 50 pères et autant de fils (14-18 ans) de vivre cet acte de filiation, de transmission et de relation à travers 2 weekends en 2021.
Ces garçons ainsi confirmés dans leur masculinité pourront devenir les apôtres capables d’assumer la radicalité de l’Évangile, d’aligner une vie sur cette radicalité et d’embraser le monde à leur tour en reconstituant cette chaîne de transmission aujourd’hui perdue. Nous essayons d’être une petite étincelle qui embrasera une partie du monde.